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1 mai 2009 5 01 /05 /mai /2009 21:25
Voilà la dernière partie de l'Horreur Jaune, dont on peut trouver l'ensemble ici.



Au moment où je finis la lecture du journal, un cri, mon dieux! un cri à peine humain retentit dans toute la maison, un son plus que guttural, sorti d'une gorge qui ne devrait pas exister, un vacarme qui me fit remettre en question tout ce que j'avais appris sur la physique des sons.



Cela venait indubitablement du grenier. Pressé par l'adrénaline, la curiosité plus forte que ma peur, je gravis les escaliers en toute hâte et commençai à enfoncer la porte du grenier à l'aide de mon épaule.
Heureusement, je n'eus pas à me fatiguer longtemps car je découvris que le loquet n'était pas mis. Faisant irruption dans la pièce, je m'arrêtai aussitôt et reculai d'effroi devant la vision qui s'offrait à mes yeux.

Une créature innomable était sise au milieu d'un pentacle. Sa patte droite, grosse et velue tenait ce qui semblait être les notes de West et de l'Arabe Fou. La gauche était plongée dans un pot de miel. Son torse énorme, musculeux et bestial était recouvert d'un grotesque gilet couleur sang.
Il semblait réciter quelques incantations impies venus de monde situés en-dehors de la mémoire des hommes. Voilà ce que je crus comprendre, pour peu que mes modestes oreilles et mon humble cerveau aient pu fonctionner correctement en ce moment de cauchemar:
"Ya'K'ri am'i'L de stèytt'es imp' pohorr té I'leg' al-mennt purrr ppponè nafl ponè 2 kan'di phtagn kan'di".

Comment décrire ce que je ressentis à ce moment là? Comment transmettre l'impression de pur effroi qui parcourut tout mon corps, le sentiment de voir tout son monde, toutes ses certitudes, tout ce sur quoi on a fondé son équilibre mental vaciller soudain comme sous l'effet d'un fantastique tremblement de terre psychique crée par quelque créature d'apocalypse?


Ma terreur, que je pensais à son comble dès mon entrée dans la pièce, n'en fut que plus infini lorsque je crus comprendre rétrospectivement certains passages du journal de Margaret, lorsque je crus reconnaître dans cette débauche d'onomatopées surnaturelles ce qui pouvait ressembler à l'antique voix de mon ami Ken.
Sous ce faciès absurde et déformé, derrière ce masque jaune et inhumain, malgré des dents voraces et proéminentes, dégoulinantes de miel et de bave, en dépit d'une toison jaune épaisse et rèche, je fus persuadé de distinguer ce qui avait été naguère mon ami Ken Lester West.

Et cette impression me fut confirmé lorsque ses deux yeux démoniaques brillèrent tout d'un coup d'une lueur d'humanité et du bel éclat bleu du jeune homme que j'avais connu.
Ce regard et les tentatives de mots qu'il prononça alors prouvèrent la présence d'un reste d'homme dans cette créature venu des abysses. Je perçus distinctement un ultime appel à l'aide dans ces quelques mots tandis que son regard regardait avec détresse et envie le revolver que je portais à la ceinture, comme la moitié des habitants de la ville.
Et seule la force de la supplication de cette relique d'humanité qui brilla un instant avant de disparaître dans un océan de monstruosité et de folie me donna la force de faire ce que je fis.


Désormais, seul dieu pourra me juger, pour peu qu'il existe, car mon esprit perturbé ne saurait demeurer longtemps en ce monde après avoir contemplé un spectacle que nul homme ne devrait connaître. Au moins me réconforté-je en pensant avoir donné la paix à mon ami Ken Lester West, jeune homme trop influençable qui succomba à la présence néfaste du souvenir de son aïeul et aux forces malignes et mystérieuses que de ce dernier avait tenté de manipuler.

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26 avril 2009 7 26 /04 /avril /2009 00:50
Je tins parole dès le lendemain et constatai à ma grande surprise que sa chambre était vide, ainsi que la salle de jeux où il entreposait ses consoles de jeux.
Ken n'était pas non plus dans le garage occupé à nettoyer l'une de ses trois voitures. La bonne ne sut pas me renseigner et ses parents étaient, comme toujours, absents.
Je me pris à penser qu'il était peut-être sorti dehors avant de me mettre à rire devant pareille absurdité. Qu'est-ce que Ken serait bien allé faire dehors, lui qui n'avait d'autres amis que moi et ses contacts provenant des divers sites sociaux auxquels il s'était inscrit (et qu'il ne voyait bien évidemment jamais dans la vraie vie)?

Je décidai alors de profiter de cette curieuse absence pour visiter sa chambre, qui m'apprendrait peut-être où se cachait le jeune West.
Je fut immédiatement attiré par le journal de la servante qui reposait bien en évidence à côté de l'ordinateur. Je remarquais toutefois que les feuilles volantes -les extraits de l'Arabe Fou et les notes de West l'Aïeul- avaient disparu.

Repensant à la scène de la veille, je ne pus m'empêcher de craindre qu'une tragédie ne se fût produite, animé d'un pressentiment que je ne parvins pas à m'expliquer.
Feuilletant rapidement le journal, je m'intéressais essentiellement à sa fin:


"21 septembre 1918 :

Maître West a totalement changé. Son aspect est terrifiant et à peine humain : son teint est devenu terriblement jaunâtre, sa capillosité a poussé et il semble ne plus s'intéresser à ses vêtements. Il se contente généralement d'une redingote en lambeau d'un rouge vif. Je crains que son diabète n'ait irrémédiablement affecté sa santé physique et mentale. Il est pris de crise de délire dans lesquelles il parle de poney et de princesse, sans garder souvenir de ses paroles une fois son calme revenu. De plus,il ne vit presque plus à la maison, passant le plus clair de son temps dans sa petite propriété secondaire. Pire, la population murmure qu'il vit désormais avec un Indien dans cette demeure car plusieurs témoins fiables ont juré avoir vu un des ces emplumés à travers les fenêtres de l'étage.


24 décembre 1918:

ça y est, un drame s'est produit. La foule, excédée de voir ses provisions de sucre disparaître mystérieusement, vivant dans la crainte des sourdes et horribles mélopées montant de la propriété de mon maître, a été prise de l'un de ces coups de sang qui lui sont familiers : mon pauvre maître a péri dans l'incendie volontaire de sa propriété. Une enquête a été ouverte mais personne ne semble savoir si les flammes ont été déclenchées par un citadin échauffé ou par M. West lui-même.

J'ai décidé de quitter les miasmes morbides et les souvenirs nauséabonds qui se rattachent à cette région. J'ai lu dans un journal une annonce pour un poste de soubrette au Japon. Je crois que je vais accepter, cela me permettrait peut-être d'oublier toutes les atrocités qui se sont passés ici."


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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 23:22
Suite de ce texte.


Lorsque j'entrai, je fus frappé par le changement qui s'était opéré chez mon ami ces derniers jours. Il s'était voûté et son teint jaunâtre me fit craindre qu'il n'eût contracté la grippe qui sévissait alors dans toute la ville.

Je l'avais manifestement dérangé alors qu'il recopiait sur son blog les extraits de Nécronomicon qu'il avait à disposition, le tout en ingurgitant quantité de miel de Californie. Il ferma les pages ouvertes sur son ordinateur lorsque j'entrai mais j'eus cependant le temps de lire un extrait de titre de ce qui devait être un chapitre de l'ouvrage: "De la conjuration de Yak..."


Il m'accueillit chaleureusement mais lorsque je l'interrogeai sur le motif de ma venue, c'est-à-dire le message alarmant qu'il m'avait précédemment envoyé, il fut incapable de me donner une réponse claire, se mettant à me parler en termes confus du journal de la bonne et de son aïeul. Ce dernier s'était apparemment amouraché d'une jeune fille au nom de marque de sucre et avait reçu la visite d'un couple d"amis" (je retranscris les parenthèses utilisées par la bonne), nommés Casimir et Belle.


Jugeant cet intérêt décidément par trop excessif et malsain, je tentai de ramener la conversation sur un sujet plus neutre et propice à lui faire retrouver un état nerveux acceptable. Je l'entretins donc du nouveau coupé sport que ses parents lui avaient promis, tant pour célébrer la saint Ken que pour atténuer leur coupable absence comme ils avaient l'habitude de le faire au moyen de cadeaux à hautes valeurs pécuniaires.

Ken, pourtant grand amateur de belles voitures (il en avait déjà deux qui l'attendait dans son garage) ne s'enthousiasma pourtant pas longtemps à ce sujet. Il revint bien vite sur les formidables connaissances contenues dans l'ouvrage de l'Arabe fou et dans le journal de la soubrette.


Tout d'un coup, il se jeta à mon cou et me dit,  une lueur de terreur malade illuminant ses yeux fous, qu'il avait peur, que je devais le protéger et l'aider à s'en sortir. Après quoi, il retomba dans un morne silence et prit congé, prétextant un début de grippe qui couvait.


Peiné de le voir ainsi, je finis par le quitter, non sans lui avoir promis de repasser bientôt m'enquérir de son état.

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11 février 2009 3 11 /02 /février /2009 13:06
21 août 1918:

Les voisins, qui nous regardaient déjà étrangement, sont maintenant effrayés de voir mon maître ou même moi, les visites de courtoisie se font plus rares et je sais que l'on murmure dans toute la ville sur de cette demeure diabolique. Apparemment soucieux de préserver son habitat principal, maître Ken a fait l'acquisition d'une petite maison isolée en dehors de la ville, sur les berges du Connecticut."



Mon ami et moi arrêtâmes la lecture à cet endroit pour nous regarder. Ce récit était troublant, surtout pour un lecteur qui n'était autre que le descendant de l'un des principaux protagonistes, et quel protagoniste!
 

La journée s'était écoulée pendant que nous lisions et au vu de l'heure tardive, je décidai de rentrer chez moi tandis que Ken Lester continuerait les recherches et la lecture du journal.


Des affaires personnelles dont je dus m'occuper jointes aux aléas naturelles de ma connexion internet m'empêchèrent d'avoir des nouvelles de mon ami. Ce n'est qu'avec l'arrivée de la fin de semaine que je redevins disponible. KL m'avait envoyé plusieurs courriels dont la teneur général ne manqua pas de m'inquiéter.


Outre une orthographe et une syntaxe exagérément bonnes auxquelles il ne m'avait pas habitué, surtout dans sa correspondance informatique, le ton était pressant et assez grave, ce qui me fit craindre que mon camarade n'eût été excessivement marqué par sa récente découverte. Je le savais capable de ne pas fermer l'oeil pendant une voire deux nuits afin de continuer quelque jeu le passionnant (les plus terribles d'entre tous de ce point de vu là étant sans conteste les jeux de rôle massivement multijoueurs) : je redoutai aussitôt que ce maudit journal fût à l'origine d'une obsession funeste pour sa santé.

C'est pourquoi, renonçant à mon confort qui me pressait de profiter de ma connexion internet et de m'adonner à mes innocents loisirs, je pris mon pardessus et me précipitai chez mon ami, autant par souci de sa santé que par une curiosité que je ne m'avouai qu'à moitié pour un sujet qui se promettait hautement malsain.


Il ne répondit pas à la sonnette mais la femme de ménage, une noire corpulente et joviale au service des West depuis plusieurs années, m'indiqua qu'il se trouvait dans sa chambre, qu'il n'avait d'ailleurs sans doute pas quittée depuis l'avant-veille.

Devant sa porte, je crus entendre une conversation mais me dis bien vite qu'il pensait tout haut. Lorsque je frappai, ce ne fut qu'un vague grognement qui me répondit.


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19 janvier 2009 1 19 /01 /janvier /2009 12:12


La soubrette parle ensuite des nombreuses nuits où elle ne put trouver le sommeil suite au boucan que faisait son maître dans le grenier ou la cave, seules pièces de la maison qui lui demeuraient expressément interdites. Je rapporte ici des fragments de son journal que j'avais pris soin de recopier sur le moment:



"30 octobre 1917:

Je n'ai pas pu dormir, encore une fois. Les mêmes horribles cris sont montés de la cave...ils ne ressemblaient à rien d'humain ni même de connu. Aucun animal ne saurait pousser pareil hurlement, bestial ne conviendrait pas à décrire ce que mes pauvres oreilles ont une fois de plus (une fois de trop) entendu.


2 février 1918:

Maître Ken est de plus en plus étrange. Il s'est mis à faire collection de sucres et consacre une part importante de ses journées à cette activité. Il reçoit de nombreux épiciers et négociants spécialisés, envoie des lettres partout dans le monde afin de recevoir des échantillons ou des informations sur telle ou telle variété de sucre. Plusieurs métèques à la mine basse, sûrement originaires du Mexique ou de Cuba, lui ont récemment rendu visite pour s'entretenir avec lui d'informations qui avaient l'air d'être de la plus haute importance. Même s'ils s'entretenaient à voix basse et que je n'ai donc pu tout saisir, j'ai capté de leur conversation étrange et de leur paroles impies des expressions aussi inquiétantes et obscures que "haute teneur", "glucose", "belle couleur", "très parfumé", "arôme rare". Que Dieu me préserve! J'ai été soulagée de voir ces sinistres individus quitter la maison.





21 juin 1918:

Le maître me semble très malade, son teint a jauni, son regard est de plus en plus fixe et son dos s'est voûté. Même le timbre de sa voix est plus grave désormais. Le médecin a déclaré qu'il avait un diabète, chose dont il ne semble pas se soucier au demeurant : son obsession s'est aggravée. Il prend des doses de son odieuses poudre blanche de plus en plus fortes et de plus en plus souvent.


15 août 1918 :

Ces cris! Ces cris! La cave résonne désormais toutes les nuits de ces étranges hurlements. Je suis horrifiée, me contentant de me tapir dans mon lit en attendant que cela cesse! Dans l'improbable délire que ces nuits affreuses ont engendré dans mon cerveau déjà fatiguée, j'ai cru reconnaître la voix, ô combien déformée, de...mais non, cela ne peut pas être, je l'ai sans doute rêvé.


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9 janvier 2009 5 09 /01 /janvier /2009 17:56

Il s'agissait d'un vieux livre poussiéreux en assez piteux état bien que tout a fait lisible encore qui se révéla être une oeuvre hybride : journal intime renfermant des feuilles volantes jaunies par le temps et roussies par le feu, vraisemblablement plus anciennes que l'ouvrage qui les accueillait. Parmi elles se cotoyaient des textes présentant un latin rédigé à la plume, suivant la calligraphie gothique de l'ancien temps, et des notes nombreuses et denses qui pouvaient passer pour une traduction sommaire accompagnée de brefs commentaires.
Il convient de préciser que l'écriture du journal, à la calligraphie appliquée et plaisante, tranchait avec la graphie minuscule, oblique et, pour tout dire, difficilement lisible des notes présentes dans les feuilles volantes.


Un coup d'oeil rapide jeté sur les premières pages nous apprit que le journal avait appartenu à Margaret Dence, la servante de Ken Charles West, ancêtre de mon ami qui avait, parait-il, été considéré en son temps comme un excentrique notoire et assez peu sociable. Les passages en latin étaient tirés d'une oeuvre unique dont nous trouvâmes assez vite le titre, Necronomicon, ainsi que le nom de l'auteur, Abdul Alhazred. Jeunes et innocents que nous étions alors, nous ignorions alors tout de cet ouvrage maudit, malheur que cela n'ait pas continué!

Je dois dire que l'agitation qui transportait mon ami lorsqu'il me montra l'ensemble ne manqua pas de m'inquiéter car il me semblait en plus fâcheux état que moi, qui pourtant transpirait dans mon lit quelques heures plus tôt. Toutefois, je mis cet énervement sur le compte de cette inhabituelle découverte, qui était d'autant plus propre à l'influencer que Ken Lester West était une âme sensible, facilement impressionnable et presque autant passionnée par l'histoire (plus particulièrement par la généalogie) que par l'informatique.



Nous nous attaquâmes aussitôt à un examen attentif et rigoureux de l'ouvrage. Nous fûmes très rapidement frappés par le caractère décousu et difficilement compréhensible des écrits de Margaret Dence. Autant le début témoignait de la parfaite lucidité de son auteur, narrant les débuts de la jeune fille comme servante auprès de l'ancêtre de Ken, autant la suite du récit devenait de plus en plus délirante, au point que l'on eût cru que la jeune fille avait contracté quelque maladie nerveuse ou mentale dégénérescente.

Cependant, après un mûr examen, nous fûmes amenés à penser que cette pauvre fille n'était peut-être pas aussi folle que ses écrits le laissait paraître de prime abord. Plus nous avancions dans le récit et plus nous nous rendions compte que les rumeurs qui couraient sur le caractère pour le moins étrange et inquiétant de l'aieul de mon ami n'était sans doute pas dépourvues de tout fondement.


En effet, l'une des premières choses qu'il ordonna à la pauvre Margaret fut de porter en permanence, et ce même devant des invités (ce qui ne manquait pas de la plonger dans le plus grand désarroi et de la couvrir de honte), de fausses oreilles de chats.

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1 janvier 2009 4 01 /01 /janvier /2009 23:25

Pour bien débuter la nouvelle année, je vous offre le début du texte sur Lovecraft que, dans ma grande inconséquence, je vous avais promis: je rappelle les sujets que je devais inclure :


-Winnie est très malheureux : La princesse Candy a besoin de sucre d'orge pour son petit poney. Mais il n'a que du miel importé illégalement des States par son ami Yakari, alors que se trame une relation entre Casimir et Belle. Heureusement Ken viens de recevoir son nouveau coupé sport.


 -une bonne de la fin XIXième, début XXième doit satisfaire son maître. Handicap : elle a des oreilles de chat (fausses ou vraies peu importe).


-un terrifiant internaute dément poste, lors d'une de ces soirées qui n'en finissent pas, d'inimaginables extraits monstrueux du diabolique Nécronomicon infernal. Chacun de ses maudits lecteurs se voit confronté à l'insondable Indicible sinistre que seule l'anormale folie pourrait juger fantastico-tragique. Brrr.


-Notre héros doit absolument jouer a des jeux vidéos/relever son courrier/se masturber et internet refuse de marcher.





L'Horreur jaune




J'écris ces lignes qui seront sans doute les dernières de mon blog dans l'espoir qu'elles puissent soulager ma conscience pour les derniers instants qui me restent à vivre en éclaircissant mes idées et en prouvant que ce qui tourmente mes jours et mes nuits obéit à une forme de logique suffisante pour être couchée par écrit.
De plus, je souhaite que mon témoignage permette d'expliquer pourquoi tout concourt à m'accuser du meurtre de mon ami Ken Lester West.

Je ne pourrais pas vivre plus longtemps après avoir vu les indicibles horreurs auxquelles mon esprit s'est trouvé confronté. C'est pourquoi dès que j'aurai achevé cet ultime témoignage, je me jetterai par la fenêtre ou utiliserai la dernière balle qui se trouve dans mon revolver.

Je sais que si je raconte mon histoire à la police, je serais envoyé au mieux à la chaise électrique, au pire à l'asile d'Arkham; cependant, j'ose espérer que ce récit pourra servir d'avertissement à certains de mes lecteurs et leur évitera de connaître un destin aussi tragique que le mien ou celui de Ken Lester West en allant remuer la fange innommable des sciences enfouies qui constituent l'arrière-plan heureusement méconnu de notre monde à la façade rassurante et rationnelle.


Tout a commencé lorsque l'internet se mit à refuser de marcher. Il faut dire que la ville d'Arkham a été reliée très tardivement à l'accès internet. Même à notre époque de grande technologie, la fibre optique n'avait pas encore pénétré toutes les maisons, ou, quand elle l'avait fait, se révélait marcher avec une certaine irrégularité.
Habitant une de ces vieilles demeures au style géorgien perchées en haut de la colline qui jouxte l'université de Miskatonic et se situe en bout de ligne, je faisais parti de ces infortunés qui devaient vivre cette situation avec patience et stoïcisme.


Cloué au lit par une de ses méchantes fièvres auxquelles ma famille était particulièrement sensible, je m'étais mis en tête d'aller égayer ma journée sur l'ordinateur. Je m'étais en effet aperçu que jouer à des jeux vidéos, relever mon courrier ou me masturber sur internet étaient des activités qui avaient l'influence la plus positive sur mon état nerveux.
En revanche, être empêché d'accéder à ces innocents loisirs, une fois que j'avais décidé d'en profiter, me plongeait dans des périodes d'abattements peu communes que je passais alors à errer de pièce en pièce, plongé dans de mornes pensées.


Au bout d'une demi-journée, allant physiquement un peu mieux, je me décidai à aller chez mon voisin, Ken Lester West avec qui je partageais l'amour de l'Internet et une grande curiosité pour une infinité de sujets, notamment l'histoire et la généalogie. Je le trouvais en proie à la plus vive excitation. Je n'en compris d'abord pas la cause puis, après avoir pénétré dans sa chambre où se trouvait son ordinateur chéri, je m'aperçus qu'elle tenait à une découverte qu'il avait faite dans le grenier familial.

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