Aujourd'hui, j'entame l'Engeeklopaedia, encyclopédie de mon cru -tournant vaguement autour de l'imaginaire de l'homo sapiens occidental proche de ce que l'on pourrait appeler la culture geek si cette expression avait un quelconque sens bien défini- que je vous offre en exclusivité. Inachevée et livrée avec autant de parcimonie que de désordre, elle pourra aussi être interactive. Tu peux, toi aussi, fidèle lecteur, proposer tes idées de sujets dignes, selon toi, de figurer dans l'Engeeklopédie.
Lettre F:
Fourbe : Porte une barbiche, les pires d'entre eux ont les doigts crochus (Comme les Orientaux, ce qui explique la mauvaise réputation qui les accompagne souvent sans raison). Proche de l'espèce du serpent, le fourbe aime bien se frotter les mains (ses cousins serpents n'en possédant pas, il en profite) et faire des allitérations en "s" (comme les serpents qui sifflent et susurrent). Cf. "barbiche", "Oriental", "serpent".
NB : les liens renvoyant aux références seront mis à jour au fur et à mesure que les références en question seront publiées.
Continuons sur la lancée de l'article de Wolverine et parlons encore d'un mythe narratif de la fiction contemporain, ancré dans l'imaginaire de n'importe quel cinéphile contemporain (certes souvent jeune, masculin et adepte des jeux vidéos, cherchant à compenser l'absurdité de sa société et la disparition des antiques idéaux guerriers par le développement d'une culture alternative...hum...particulière).
Je veux bien sûr parler du barbare.
Le barbare c'est le non-grec, le non-latinophone etc. Mais ça c'est pour les historiens et on s'en branle pas mal pour cet article.
Le barbare c'est avant tout le berserker, la brute vêtue de peau de bête déboulant sur des villages de chaume pour violer femmes et troupeau, mais ce n'est pas que cela.
Le barbare c'est surtout devenu un concept narratif, un caractère, qu'on peut retrouver dans n'importe quel rôle de n'importe quelle époque, pour peu qu'il réponde à quelques lois, définies par l'illustre critique O. Peterski dans son ouvrage perdu Smell of the napalm : the myth of the barbarian in the contemporean mass media.
Voici donc pour vous, en exclusivité, les 10 Lois du barbares !
Règle n°1) "Il lui en faut peu pour être heureux" (inspiré de l'adage préféré de celui qui est encore considéré par une bonne part de la critique moderne comme la figure de proue du mouvement barbare dans la fiction occidentale).
Règle n°2) Le barbare préfère le corps à corps (plutôt que les frappes orbitales : même en des temps de technologie suffisamment avancée pour permettre les voyages galactiques, le barbare resurgit chez l'homme du futur pour le pousser à foncer en meute affronter des gigantesques monstres à l'aide de pathétiques mitraillettes alors qu'il pourrait les désintégrer en appuyant sur un bouton. Loi également appelée : "le barbare n'aime pas la technologie" ou encore "le barbare est réactionnaire", ndt)
Règle n°3) le barbare n'a pas peur de la mort.
Règle n°4) Barbare : plus qu'un hobby, un métier.
Règle n°5) Le barbare méprise la diplomatie
Règle n°6) Le barbare aime son arme.
Règle n°7) Le barbare aime le défi
Règle n°8) Le barbare aime la musique classique.
Règle n°9) Le barbare rigole toujours en situation critique.
Règle n°10) Barbare rime avec motard (cette dernière loi a vu son authenticité mise en doute, certains affirmant qu'il s'agirait d'une règle apocryphe rajoutée après la mort de l'auteur, mettant notamment en avant son caractère "peu sérieux"[P. Falschenwörte, Die zehnte Regel des Barbarisch, Bonn, 2002]).
Cette semaine, hop, comme ça, sans prétention, parce que je suis pressé, je vous jette en pâture un article rédigé par votre serviteur pour un petit journal étudiant parisien et dont le contenu me semble approprié pour le présent blog.
voici donc ma non-critique du film de Wolverine:
Mon réveil sonne et me décroche un peu de cervelle. Mû par le réflexe quasi-félin et légèrement brouillon que l'homme moderne a développé dans pareille situation, je me jette hors de mon lit et tâtonne fébrilement pour arrêter l'appareil.
Putain.
La journée commence mal, comme toutes les autre en fait. Petit-déjeuner, douche, habits. Chemise, chaussettes, pyjama, non pas pyjama, chemise, cravate? Oh merde! Pas de cravate, tant pis pour le qu'en dira-t-on (doux parfum de contrefaçon de la transgression sans risque du petit matin). Imper. Le temps? coup d'oeil par la fenêtre. Beau temps. Imper? Sors jamais sans mon imper (agréable senteur de la grandeur d'âme de celui qui respecte ses Lois en dépit de toute logique). Feutre. Je sors et met mes écouteurs.
La rue résonne du rugissement des rares voitures qui circulent, du fracas des charrettes et du trot des chevaux.
Le soleil resplendit et encense l'atmosphère de ses délicats rayons à la chaleur atténuée par la rosée du matin, une douce brise et la fraîcheur de la nuit. Les alouettes chantent en choeur dans le ciel limpide. Je songe aussitôt à profiter de cette belle matinée afin de ressentir la joie ineffable de la caresse conjointe du vent et du soleil sur mon visage.
C'est compter sans ma flemme. Je hèle un fiacre et arrive bientôt dans mon bureau, toujours aussi miteux, avec son coffre-fort aussi vide que la conscience du flic moyen et son sandwich rassis qui me fera office de déjeuner.
Je suis vraiment de mauvais poil.
Le téléphone sonne. Sa forme ramassé et sa sonnerie stridente me rappelle vaguement mon réveil-matin. A contrecœur, je décroche.
"-John Hope à l'appareil.
-Allo? Bonjour, j'appelle car...
-Car vous êtes une jeune femme plantureuse qui vient d'hériter d'une immense fortune et rêve de m'épouser.
-Hein? Quoi? Mais non, je suis...
-Au revoir."
Je raccroche. Et me prend un chewing-gum pour calmer mes nerfs. ça ne suffit pas, je me met donc à tripoter un crayon.
Je casse son dixième frère lorsque la sonnerie retentit. Mon vieux copain nickelé à la main je m'approche de la porte:
"-Si vous êtes un huissier, je vous préviens que je suis armé!
-Fais pas le con, John, c'est moi, Sam.
-Dommage, je me serais bien fait un carton, ça m'aurait défoulé. Entre.
-J'ai l'impression que tu deviens de plus en plus parano.
-C'est pas ma faute si ma voisine appartient aux services secrets Sam.
-C'est une immigrée portugaise qui comprend pas notre langue, John..
-Ta gueule. Je te sers un verre?"
Faire le service m'apaise un peu. Je tend le verre à Sam qui le porte à ses lèvres et fait la grimace de circonstance:
-Aaah! C'est...plutôt une boisson d'homme!
-Thé vert pur sancha, venu tout droit du Japon. A mon avis c'est plutôt fait avec du poil de yack mais bon...Qu'est-ce qui t'amène Sam?
-Une sale histoire. Tu as entendu parler du retour des Apostoliques?
-Comme tout le monde.
-On a entendu parler d'une importante transaction avec les Corses, une histoire de valise. Mais on pense qu'ils ont infiltré l'Inquisition. On a besoin d'un gars indépendant sur ce coup-là.
-Et z'avez pensé à ma pomme? T'as oublié que l'Inquisition m'a viré parce que j'avais buté le Pape?
-Une malheureuse histoire, on ne va pas revenir là-dessus, arrête de tout ramener au passé.
-T'as de la chance que j'aie besoin de payer la pension de mon ex-femme. Balance-moi le topo."
C'était une sacré merde. Et j'avais accepté de plonger dedans. Au moins, j'avais pu raquer Sam de quelques biftons qui allaient me payer mes prochains repas.
PS : je j'ai pas encore totalement décidé de la suite du scénario, ce qui me rend ouvert aux propositions de l'ami lecteur.
Mais non, disais-je avant de m'auto-interrompre pour de basses raisons de rationnement des articles et de compassion envers l'esprit du perspicace lecteur fatigué par tant de petits caractères successifs.
Mais non donc.
Ce serait trop présumer du scénariste moyen de ce début de XXIème siècle dégénéré.
Dans 90% des cas (et encore, je suis sans doute en dessous de la réalité mais j'aime à croire que je suis un grand optimiste -ma foi en l'espèce humaine me perdra-), le terrible secret se résume à ça : Jésus était une femme! (ou un extraterrestre ou son père [euh...] ou son frère ou a été papa ou s'est marié etc. etc.).
Evidemment, ce secret est farouchement défendu par les rares personnes et institutions qui le connaissent et le protègent: l'Eglise catholique ou quelques sectes perverses équivalentes: Templiers, Francs-maçons, Jésuites ou Cabbale juive, bien que cette dernière soit assez peu en vogue depuis la politique passablement controversée mise en place par le gouvernement allemand dans les années 1930/1940. Du coup, on a pu observer que la mode s'est nettement déplacée vers les premiers, dont les derniers et plus vigoureux représentants se sont éteints -si je puis dire- sur le royal bûcher en 1314, et sont par conséquent moins susceptibles que les organisations juives de traîner le scénariste sans scrupules devant les tribunaux.
Ces avantages judiciaires ne sont sans doute pas sous-estimés par les maisons d'éditions : j'en veux pour preuve qu'à part les templiers, ce sont les Francs-maçons qui sont souvent choisis. Or la Franc-maçonnerie ne peut pas, par définition, provoquer un procès puisque cela la forcerait à se montrer au grand jour. Et quoi de plus absurde qu'une société secrète qui se montre au grand jour, je vous le demande?
Comme on aurait pu s'en douter devant pareil cas de médiocrité littéraire en ces temps d'essor fulgurant de collections telles que "Soleil : celtique" ou « Soleil : secret du vatican », le principe de la surenchère est de mise dans de pareille BD.
Vous apprenez que Jésus était une femme. Bon. Vous vous dîtes que c'est déjà pas mal.
Mais c'est oublier que les lois narratives de commerciaux incapables de distinguer un Nabokov d'un collection Harlequin stipulent avec l'esprit admirablement étriqué d'un scout pré-Vatican II qu'il faut aller toujours plus loin.
C'est pourquoi vous apprendrez au second tome que Jésus, fils-fille de Marie était également sa soeur.
De plus, afin d'ajouter du piment, il y a plusieurs organisations secrètes qui se déchirent pour la possession ou la sauvegarde du secret.
Ainsi, « ils » sont partout. Et essaient de faire taire le héros, tandis que « eux » suivent le même héros pour profiter de ses découvertes.
Les protagonistes de base sont donc:
- le héros.
- «Ils» (une organisation secrète -les méchants-).
- «Eux» (opposés à «Ils», ils peuvent aider le héros mais ne sont pas totalement gentils non plus [ça reste une organisation secrète après tout]).
De manière générale d'ailleurs le scénariste ne recule devant aucune accumulation pour faire de son complot ésotérique le plus complotiste et le plus ésotérique des complots ésotériques.
Prenons le Triangle Secret (qui, soyons honnête, a la vertu d'être relativement ancien et donc plus original que les pseudo-bds du même acabit qui envahissent actuellement nos librairies).
Déjà, dès les quinze première pages du premier tome, on peut voir :
-des apôtres chrétiens rassemblés en assemblée secrète.
-un ami mort du héros léguant post-mortem des paroles mystérieuses sur une découverte sensationnelle qu'il était sur le point de faire. Bien entendu, il conjure son ami l'historien blond viril (d'ailleurs il fronce les sourcils et fume une cigarette, preuve incontestable d'un caractère décidé et une intelligence éveillée) d'oublier toute cette histoire passionnante et cette imminente découverte d'une importance inégalée par des allusions suffisamment diffuses pour titiller la curiosité du héros et du lecteur sans révéler de réelles raisons d'avoir peur.
-des Francs-maçons.
-des templiers.
-un livre secret.
-les manuscrits de la Mer Morte (qui n'ont a priori rien de bien mystérieux et concernent une secte juive; mais l'importance de la découverte, qui fut médiatisée en conséquence et dont on fêta les 50 ans en 1997, permit de les inclure dans les "sujets propres à faire fantasmer la plèbe abrutie de sujet new-age").
-Et même, même, une discrète et innocente allusion aux jeux de rôle. Aucun rapport avec l'intrigue, le scénariste s'est juste amusée à glisser "jeu de rôle" dans l'un de ses dialogue, sans doute dans le but conscient de créer des messages subtilement subliminaux renforçant l'impression d'étouffement empreinte de paranoïa jouissive (car le lecteur devient un initié, il sait lui aussi, désormais) se dégageant de l'ensemble de l'oeuvre(puisque les rôlistes sont associés de très près aux templiers, aux Francs-maçons et aux histoires ésotériques, c'est bien connu).
C'est déjà bien. Mais pas assez. Dans la seconde moitié du tome, on voit que le Vatican est impliqué et l'album se clôt sur la révélation que Jésus avait un frère et que c'est lui qui est mort en croix (Tadâm!!). Là, le lecteur perspicace dira que bon, ça y est, on le connait enfin ce fichu secret si terrible.
Le pauvre fou.
Le second tome se clôt sur la révélation que Jésus avait une femme et un gosse (Tadâm!! derechef).
En résumé : le templier brûle bien par temps sec et le complot ésotérique, c'est mal.
Si vous voulez lire une bonne histoire de complot ésotérique, prenez le Pendule de Foucault, d'Umberto Eco. C'est érudit, amusant, réaliste et Jésus est ni un Atlante ni un agent de la CIA. Bref, ça fait du bien.
Source : D.Convard, G.Chaillet, D.Falque, C.Gine, Paul, P.Wachs, Le Triangle Secret, Glénat, Grenoble, 2000.
Et tellement d'autres...